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Notre alimentation est-elle dictée en partie par les mythes ?
Notre alimentation est-elle dictée en partie par les mythes ?
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27 avril 2010

convivialité,partage, fêtes et commémorations

  La fête de Pourim, dans la religion juive, commémore les évènements relatés dans le livre d’Esther, dans lequel les juifs sont sauvés de l’extermination par cette jeune femme courageuse. Dans les communautés juives traditionnelles, Pourim est marquée par l’obligation d’assister à la lecture du livre d’Esther à laquelle est associé un festin et des échanges de nourriture entre proches. Dans ces échanges de gâteaux, on rivalise en qualité, en quantité et en variété. L’obligation de rendre est impérative et l’on rend plus ; « donner, c’est manifester sa supériorité, être plus, plus haut » écrit Marcel Mauss à propos des « sociétés à potlatch ». Pourim est la fête du désordre (consommation de vin en abondance, bruits des pétards et des crécelles), fête des pratiques transgressives instituées (inversions entre le bien et le mal, entre le masculin et le féminin), fête-mascarade (déguisement, maquillage), fête des retournements de situation où les sorts sont écartés et les projets destructeurs déjoués. Mais c’est aussi la fête de l’équilibre social, l’économie de l’échange-don de nourritures assurant les échanges de bon voisinage et la reproduction du lien communautaire.

  Nicoletta Diasio (université Marc Bloch- Strasbourg) a étudié les rapports entre l’enfant, le sucre, les morts dans la tradition catholique du Sud de l’Italie (Mezogiorno). L'enfant, dans la religion catholique est en position liminale (imperfection morale, infinitude physique). Il occupe une place importante dans les rites qui marquent des transitions. Le cycle festif qui s’étend de la Toussaint à La fête des rois la befana, est marquée par la pratique d’offrandes aux enfants de figurines sucrées (personnages de l’imaginaire populaire, « os des morts », objets usuels en miniature). Ce sont les morts de la famille qui apportent les figurines appelées « les choses des morts ». Dans un système dévotionnel à deux pôles, qui a comme objets de culte d’une part les morts (les âmes du purgatoire en particulier) et d’autre part les enfants, l’offrande d’aliments sucrés est donc un gage de transmission intergénérationnelle et un régulateur de relations entre les vivants et les morts. Les morts viennent offrir aux enfants le pouvoir de vie. Trois éléments d’analyse retiennent l’attention : la « patrophagie symbolique » (les enfants mangent les morts, les incorporent), la fragilité du monde mise en scène par ces figurines qui fondent dans la bouche tout en en permettant la représentation, enfin la créativité et le jeu de simulacre.

  L’étude de Claire de Galembert (CNRS) porte sur « le repas de la grande mosquée », rituel de commensalité politico-religieuse à Mantes-la-jolie au travers duquel elle propose une analyse macro-sociologique de la gestion publique de l’Islam en France. Il se développe aujourd’hui des usages concrets de retrouvailles entre acteurs publics et musulmans autour de nourritures terrestres qui appellent réflexion. La mosquée de Mantes-la-jolie peut, selon elle, servir de baromètre des rapports entre les acteurs publics et la scène islamique, dans une ville. Il en va plus de la symbolisation de l’intégration de la mosquée dans le système de pouvoir local que de la rencontre des autorités avec la population musulmane. Ces repas se déroulent à huis clos, à la mosquée et rassemblent les figures dominantes de la sphère politico-administrative (le maire et le sous préfet), les forces de l’ordre (gendarmerie, police) et certains notables locaux (le curé notamment), la population musulmane étant réduite à sa portion congrue. Les rapports entre la partie musulmane et les acteurs publics s’organisent plus sur le mode de l’évitement que celui du brassage : on se donne à voir en partageant un repas, créant l’illusion d’une convivialité. La division des rôles est marquée, les invitants se consacrant au service des hôtes. C’est le président de la mosquée qui reçoit, l’interaction entre celui-ci et le maire sert de clef de voûte à la rencontre. L’analyse montre les rapports d’obligations réciproques instaurés : rapports d’investiture (les autorités locales viennent reconnaître le pouvoir du représentant de la mosquée) ; rapport d’allégeance (l’ordre de déférence est recomposé, traduisant un rapport de domination intériorisé, mais aussi marque de grandeur de la part du dominé qui sert des mets raffinés) ; rapport d’interdépendance stratégique (« le prince » reçoit dans le fief du dominé...). Ainsi la mosquée est envisagée comme un relais entre la ville et les populations du quartier du Val Fourré, largement identifiées l’islam, à tort ou à raison.

  Gestion publique et juridique des spécificités religieuses

  Anne-Marie Brisebarre (CNRS) s’interroge sur la façon dont la restauration collective, prend en compte les demandes alimentaires à caractère religieux, à travers une recherche en cours sur l’alimentation halâl. Si se nourrir est un acte privé, accompli au sein de la famille, de plus en plus de repas sont pris en dehors de la sphère domestique dans la société urbaine, notamment dans le cadre collectif d’une cantine (école, entreprise, hôpitaux, …). L’islam ne donne aucune prescription sur l’acte de se nourrir, mais des interdits concernant l’alimentation carnée (porc et sang, viande provenant d’animaux abattus rituellement (halâl : animal égorgé et béni). Elle insiste sur différents points :

  • La variabilité des pratiques dans les cantines : si beaucoup d’écoles ont fait des efforts pour ne pas servir de porc à la cantine, certaines vont plus loin ; ainsi, dans un collège où 70% de la population est musulmane, le proviseur a choisi de donner à tous de la viande halâl.

  • La méconnaissance de beaucoup de parents qui ne savent pas qu’actuellement, dans les procédés de mise à mort usuels dans les abattoirs, les animaux sont saignés ; le fait de leur expliquer qu’il n’y a plus de sang dans la viande est suffisant pour certains.

  • La crispation identitaire sur la nourriture de certains jeunes musulmans (qui ne concerne pas seulement la viande), en décalage avec le vécu de leurs parents au Maghreb.

Wolfgang Wieshaider (Université de Vienne) fait une comparaison sur les législations européennes concernant l’abattage rituel que l’on trouve dans l’islam et le judaïsme et montre le poids de l’histoire sur cette question. La plupart des pays européens réglementent l’abattage rituel. Leur législation prévoit un certain nombre d’exceptions pour raisons religieuses à l’abattage industriel ; un tel cadre législatif correspond à la fois aux exigences du droit fondamental de la liberté religieuse au niveau européen et au droit secondaire européen qui recherche une harmonisation juridique entre les Etats membres de l’Union Européenne. « La viande est une question politique ». À certaines occasions, on peut voir des partisans de la protection animale faire cause commune avec des xénophobes et il n’est pas toujours facile de faire la distinction entre des deux groupes.

Résumé : Cet article, publié dans amades, porte sur les relations "politico"-religieuse et sur les rapports entre la population et la religion.

Source : amades.revues.org avec l'université de Vienne, le CNRS, l'université Marc Bloch- Strasbourg,  Nicoletta Diasio (université Marc Bloch- Strasbourg), Claire de Galembert (CNRS), Anne-Marie Brisebarre (CNRS), Wolfgang Wieshaider (Université de Vienne), le 6 et 7 février 2006.

Adresse de l'article :  http://amades.revues.org/index401.html

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